Dans la déflagration généralisée que fut le conflit de la première guerre mondiale, le territoire de Verdun occupe une place particulière, comme l’épicentre d’une douleur généralisée. Le paysage meurtri, préservé comme un corps recroquevillé sur lui-même, conserve secrètement ses stigmates et ses plaies sous une forêt protectrice. Sous ces frondaisons, et souvent sous un manteau de neige l’hiver, l’épiderme de notre terre est modelé de douces cavités dont l’effet est bouleversant… autant de flaques, reflets des frondaisons quand il pleut, autant de courbes douces enherbées, autant de rappel que chaque marque est celle de l’impact d’un obus.

Sous cette peau, si belle, unique, 80 000 corps reposent encore. Ce territoire particulier a son monument, son cénotaphe, c’est l’ossuaire de Douaumont, érigé par Léon Azéma, l’architecte du Trocadéro. Le signal majeur, splendide existe donc, érigeant en majesté la mémoire de la grande guerre, et de la douleur partagée entre les peuples d’Europe.

En face de ce monument, de l’autre côté du vallon, se trouve le Mémorial de Verdun, œuvre plus modeste, accrochée au bord d’une route de forêt, près du lion abattu, il a été voulu par les anciens combattants, et bâti par eux dans les années 60. Son écriture se réfère aux années 30 qui avaient vu l’érection de l’ossuaire, mais en mode mineur.

Pas de signal exagéré, rien qu’une maison pour la mémoire de ces combattants, pour continuer à faire vivre ce qu’ils avaient ici enduré.

Mémorial donc, mais aussi musée-bibliothèque et lieu de collection et d’accueil des mémoires françaises et allemandes partagées. Le programme du concours proposait la modernisation du bâtiment et son extension permettant de prolonger l’œuvre de mémoire et de pédagogie. Bâtiment et scénographie donc, à œuvrer ensemble, contenu et contenant mêlés dont nous devions réinventer les liens et les continuités. Paysage et intérieur du bâtiment dont nous devions mieux exprimer la cohérence entre le message à faire passer aux générations nouvelles, et le paysage meurtri qu’ils venaient de traverser pour venir en ce lieu .

Car ce mémorial est bien le départ d’une visite du site qui permet de comprendre la logique intime de ce qui s’est déroulé sur ces collines. Le paysage dans sa chair scarifié, plus que tout, à la sortie de la visite nous parle de cela, jusqu’aux corps retrouvés aujourd’hui sur place, à l’occasion des travaux de terrassement qui accompagnent le projet de bâtiment. Comment prolonger aujourd’hui le travail voulu dans les années 60 par les anciens combattants eux-mêmes ?

Nous avons abordé ce bâtiment avec la douceur du petit-fils qui écoute son grand-père lui raconter sa vie dans les tranchées, pudiquement, en silence, il n’y faut que douceur et reconnaissance. Nous n’avons pas souhaité apparaitre mais renforcer ce qui existe et lui redonner du sens. Les extensions nouvelles, nécessaires à la vie de l’institution, ont été enterrées en talus latéraux qui ont enseveli le rez-de-chaussée du bâtiment.

Les extensions sont des vallonnements qui prolongent le paysage de mémoire jusqu’aux flancs de l’édifice ancien, autrefois posé sur son parking. L’extension ne se voit pas, mais elle crée une façon nouvelle d’entrer dans l’édifice, par les dessous, par une tranchée de murs et de pierres noires qui traverse ces vallonnements. Ainsi mis en condition, le visiteur découvre, sous terre, les vestiges des murs anciens et l’intérieur de la construction.

Le hall sous terre accueille et prépare. Depuis celui-ci, le visiteur entre dans le corps central. Le puit d’images pensé par les scénographes Leconte & Noirot offre dans un enchainement remarquable la compréhension sensible de ce qui s’est déroulé.

Du bâtiment ancien, nous avons gardé les émouvantes pierres en bossage, signe d’attention de l’architecte ancien à la qualité du traitement du mémorial, mais aussi les bétons bruts, frustres et puissants des charpentes d’origine. Pour le hall d’honneur, nous avons aussi conservé cette porte monumentale en bois verni dont nous avons augmenté l’effet comme signe d’une époque.

Parce que pour que tout change, il faut que rien ne change, ces vestiges du monument ancien, nous permettent de nous élancer au-dessus, sur le toit du bâtiment. Des escaliers, enroulés dans les ailes latérales prolongent le bois verni de la porte d’accès dans des murs de noir et d’or, et prennent le visiteur par la main pour l’emmener sur la terrasse. Au-dessus du mémorial ancien, nous avons bâti un étage de verre et d’ardoises de verre noir. On y trouve de grandes salles blanches meublées de bois clair. Après la plongée dans le bruit et la fureur de la guerre, la génération nouvelle y trouve la sérénité d’un centre de ressources et d’expositions temporaires.

Sols et murs blancs, calme des aménagements, pour que la vue sur la forêt environnante, et au loin vers le grand monument de l’ossuaire, gardien de la mémoire, permettent ensemble la compréhension globale du conflit situé. Mémoire du passé, résilience des lieux, ce paysage replanté, affirme la vigueur de la nature et de l’humanité.

Notre travail l’accompagne avec douceur, respect du passé et humilité.

Olivier Brochet

  •  Maître d’ouvrage 
    Comité National du Souvenir de Verdun 
  •  Maître d’ouvrage délégué 
    SEBL 
  • Concours restreint, projet lauréat 
    livré 
  •  Mission  
    Mission de base loi MOP + EXE 
  •  Coût 
    8 600 000 M€ H.T. + 2 000 000 M€ H.T. scénographie 
  •  Surface bâtiment  
    2112 m² SDP existant / 3513 m² SDP construite  
  •  Architecte  
    Agence Brochet Lajus Pueyo 
  • Concours / études 
    Sylvain Juster / Florian Gelot / Antoine Esnard 
  • Réalisation 
    Julien Woycinkiewicz 
  •  Economiste  
    Overdrive 
  •  Bureau d’études structure  
    Khephren Ingenierie 
  •  Bureau d’études fluides  
    INEX 
  •  Paysagiste  
    Let’s Grow 
  •  Concepteur lumière 
    8’ 18’’ 
  •  Muséographie et scénographie  
    Agence Le Conte / Noirot 
  •  Graphiste  
    Agence Robaglia Design - Antoine Robaglia 
  •  Créations audiovisuelles  
    Agence on-situ / Opixido 
  •  Electricité scénographie / SSI  
    Cin’Etudes 
  •  Design sonore  
    4K - Luc Martinez 
  •  OPC  
    Genius Ingénierie / Prévot Ingénierie 
  •  Bureau de contrôle  
    Bureau Veritas 
  •  CSPS  
    BECS 

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